Alimentation, veganisme, »éthique » et quinoa

Après la lecture d’un article très intéressant (dont la traduction est disponible ici sur demande) sur un site internet argentin orientation rationaliste – en d’autres termes qui oppose le rationalisme à des croyances religieuses, mystiques et/ou farfelues – une réflexion venait de naître, l’envie de publier ici le produit de ce qui me trotte dans la tête depuis un bout de temps déjà. L’alimentation telle qu’on nous la dicte et l’éthique font-elles bon ménage ?

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Un en-cas bolivien

L’article pointe un doigt accusateur sur le régime « vegan », cette nouvelle tendance dont tout le monde se revendique et qui, à son tour, pointe un doigt moralisateur sur les mangeurs de viande et de produits d’origine animale. Au nom de l’éthique, cette idée indéfinissable, ce casse-tête philosophique dont personne n’est jamais venu à bout. Ce que critique le journaliste, c’est le fait que les vegan aient élevé leur vision de l’éthique au rang de vérité indiscutable et supérieure. Au mépris du droit au libre choix de mener sa vie comme on l’entend. Si l’on n’est pas vegan, on est, au choix, un inconscient, un criminel, un égoïste, un sauvage qui place le règne humain au-dessus du règne animal. C’est à ce moment précis que l’article confronte cette « éthique » avec le fait que les produits consommés par les vegan en remplacement de ceux d’origine animale – amandes, noix de cajou, avocat, quinoa, soja – sont souvent cultivés et conditionnés au mépris de l’environnement et au mépris des populations employées dans ces filières. Les noix de cajou, traitées en Inde par des femmes sans aucune protection face aux relents d’acide diffusés par la coque de la noix elle-même ; les avocats dont la culture entraîne une déforestation massive au Mexique ainsi que la naissance d’une mafia hautement criminelle qui pratique la séquestration ; les amandes qui assèchent les sols de la Californie et provoquent des sécheresses record ; sans parler du soja dont les champs remplacent à vitesse grand V les forêts argentines et brésiliennes, poumon de notre planète. Et puis, la quinoa.

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La quinoa est un sujet qui touche beaucoup à la Pampa. Parce qu’elle fait partie de son alimentation. Non pas que nous sommes vegan. Loin de là. Simplement parce que la cuisine bolivienne, par tradition, y est habituelle et que la quinoa, en qualité de céréale millénaire des peuples andins, symbole de la Bolivie, de son histoire, de sa culture et aliment précieux pour la santé y a une place de choix. Seulement voilà. Les Boliviens, eux, ne mangent plus de quinoa, alors qu’ils le faisaient depuis des siècles et des siècles. Ils ont dit amen aux vegan et à la mode qui leur demande de produire toujours plus de céréales… et la quinoa est devenu un produit de luxe. Le prix au kilo a bondi et il n’est plus possible d’en acheter pour les habitants de ce pays d’Amérique Latine dont beaucoup d’entre eux ne roulent pas sur l’or. En Bolivie comme au Pérou, également producteur, la malnutrition fait rage et on aurait grand besoin de se réalimenter de quinoa pour moins souffrir de carences. Seulement voilà : le hamburger coûte moins cher que les petits grains dorés ou rouges de l’altiplano. Injustice. Absurdité d’un marché mondial dont les tendances dépendent de modes lancées par des bobos écolos qui se fichent en réalité pas mal de ce que leurs consommation provoque à des milliers de kilomètres de leur assiette. Que les paysans boliviens s’entretuent pour la possession de terres cultivables leur importe peu, du moment qu’ils peuvent cuisiner vegan en toute impunité. Et puis, d’autres pays se mettent à produire la petite céréale à prix d’or, ce qui a récemment provoqué une chute de la Bolivie au deuxième rang des producteurs mondiaux. Pour ce pays, l’industrialisation et la modernisation au prix desquels se fait l’agriculture de nos jours est financièrement impossible. Le déclin qui s’annonce peut-être reviendrait à mettre des milliers de paysans sur le carreau. Encore des tensions en perspective…

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Un champ bolivien – 3000 m d’altitude

Alors, qu’y a-t-il d’éthique dans le fait de consommer des produits dont la production génère tant de souffrances et d’injustices de par le monde ? La bonne conscience d’épargner des animaux suffit-elle à fermer les yeux sur les malheurs d’êtres humains tout aussi respectables qu’une vache ou un porc ? Certes, les végétariens vous répondront que l’abattage des animaux est à l’heure actuelle un acte complètement barbare réalisé dans des conditions déplorables. Ils ont raison et il s’agit d’un problème de santé public, là n’est pas la question. Cependant, puisqu’il s’agit de cela, qu’y a-t-il d’éthique à acheter à une association soit disant humanitaire, dont la présidente est basée en Suisse, de la quinoa ou de l’amarante cultivées en Bolivie et dont les paquets sont élaborés par des femmes dont le salaire est inférieure au salaire minimum bolivien ? Quand cette même présidente se targue de posséder une villa dans chacune des villes du pays ? Le sujet de l’humanitaire est, lui aussi, vaste comme un océan opaque. Puisque nous y sommes : qu’y a-t-il d’éthique à acheter dans son supermarché bio des produits labellisés écologiques mais qui ont traversé la terre à bord d’avion polluants et dont on ne sait pas dans quelles conditions sociales se sont faites leur culture et leur récolte pour les ouvriers étrangers ?

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Cochabamba – Bolivie

Finalement, ce qui est critiqué ici, ce n’est pas le droit des vegan à manger ce qu’ils veulent. Chacun adapte son alimentation à ses besoins et/ou à ses croyances – quoique souvent les croyances sont dictées par des modes dont internet serait la Bible -, mais bel et bien le fait que les vegan placent leur morale au-dessus de toutes les autres, au-dessus du respect d’autrui et au dessus, finalement, de l’éthique elle-même, se contredisant hypocritement dans un discours qui a tout de dictatorial et d’un ethnocentrisme élitiste et condescendant.


13 réflexions sur “Alimentation, veganisme, »éthique » et quinoa

  1. Bonsoir :o) Quand tu dis à la fin de ton article « ce qui est critiqué ici » tu parles bien de l’article du site Argentin du début ?
    Je suis tout à fait d’accord avec tout ce que tu dis pour l’impact écologique des achats que nous faisons de cultures qui viennent de loin comme l’avocat, la noix de cajou .. Mais je suis un peu décalée je crois par rapport à certains puisque je suis arrivée au végétarisme, puis veganisme, par la porte de l’écologie :o) J’ai toujours été sensible à l’impact de mon alimentation sur la nature.
    Le prix de l’huile de palme, depuis qu’ils la cultivent de façon intensive, a été tout aussi catastrophique sur la population que celui du quinoa pour la population, c’était la base de leur alimentation, ils ont perdu leur terre nourricière pour leur famille au bénéfice des grandes entreprises puisque le droit du sol n’existe pas, ou ont été expropriés sans souci puisque cela ramène de l’argent à l’état ! l’avocat me pose le même problème avec celui de la mafia en plus … Pareil pour les amandiers en Californie qui est un endroit désertique à la base alors que les cultures demandent de l’eau (et ou c’est la sécheresse depuis 5 ans et les amandiers sont entrain d’être arrachés), ou ils exploitent les ruchers d’abeilles qui tombent malades parce qu’ils ne leurs font butiner qu’une seule sorte de fleurs, mais ce n’est pas grave on en achète d’autres pour l’année prochaine ou on les gave de sucre blanc l’hiver … ! Idem les produits « équitables » ! On se moque de qui sous couvert de bonne conscience ? Pareil pour les conditions de travail ;o(
    Heureusement il y a du quinoa Français Mais là je me pose la question des terres cultivables et des conditions de culture si tout le monde en mange, pourra t’on continuer à fournir en bio ? Surement si ils y mettent du leur avec la permaculture, et qu’ils trouvent de la place car, pour le chanvre et le lin aussi par exemple (pour faire des tissus) le souci c’est de trouver des parcelle de terres cultivables …
    C’est compliqué d’appréhender tous les impacts d’un changement au moment ou on souhaite aller de l’avant de bonne foi, même seul dans son coin, alors quand ce sont les grandes entreprises qui décident au mépris des populations locale …
    Merci pour cet article très inspirant :o) Désolée pour le pavé !! Bon week-end

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  2. aaah les végan… ils me font dire que l’affirmation de Malraux que le XXIe siècle sera religieux est absolument vraie ! (même si Malraux ne l’a jamais dit cette phrase 😉 ) Je les fuis comme la peste, surtout quand ils commencent à me dire ce que je devrais faire… je déteste particulièrement les gens qui me disent ce que je dois faire !! Plutôt que végan, végétalien ou bio je préfère manger LOCAL ! Et j’ai de la chance, j’habite à côté de l’Anjou joyeux et doucereux qui produit de la quinoa que je trouve facilement même dans les supermarchés. C’est la marque Anjou Quinoa, c’est bio, c’est local…

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  3. Vous essayer de vous donner bonne conscience en critiquant les produits que consomment les Vegan ! Vous êtes pitoyable et caricatural , les Vegan ont une conscience aiguë de la façon dont sont produit leurs aliments ! Si tous les omnivores s’interrogeaient de la même façon ce serait idéal ! Votre article à charge omet le fait que les omnivores consomment aussi du quinoa, des noix de cajou en apéritif du soja etc etc … de plus en plus de Vegan adoptent une consommation locale en circuit court, mon soja est Français ! Mes cacahuètes sont Françaises ! Mon quinoa est Français ! Alors s’il vous plaît stop votre mauvaise fois et votre refus de voir la vérité en face sont risibles ! Pour l’avenir de la planète et des générations futures Go Vegan

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    1. Et voilà exactement ce que je disais plus haut … agressivité, proselytisme, haute opinion de Soi et mépris des autres… rien que de très banal chez les Végan qui se pensent supérieurs parce qu’ils croient avoir une éthique et qui croient surtout que ceux qui ne pensent pas comme eux n’en ont pas ! Dès que quelqu’un croit avoir la Vérité il faut fuir… c’est ce que les fanatiques religieux et politiques nous infligent depuis des millénaires… certains végans sont les nouveaux fanatiques.

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  4. C’est rigolo, le commentaire de Brenot : je pensais bêtement, d’après une étude que j’avais lue (dans un journal scientifique, pas au hasard sur Internet, je tiens à préciser !) que manger vegan ça rendait moins agressif… ah la la toutes ces idées reçues et ce besoin que chacun a de donner son avis… (je vais peut-être retirer mon commentaire tout de suite après l’avoir écrit d’ailleurs, pour rester cohérente… lol)
    Bon, je voulais juste vous dire : mangez ce que vous voulez, de toute façon, ça pollue, ça déséquilibre l’économie, ça ruine d’autres habitants à l’autre bout de la planète… Pour moi, la question est sur les quantités, et les résidus qu’on laisse… La revue Silence (excellente soit dit en passant) avait d’ailleurs très pertinemment traité le sujet il y a quelques temps.
    Et pour ce qui concerne l’éthique, étymologiquement on est sur un « système de jugement de valeurs »… tout est dans le titre !

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  5. Je reste bouche bée devant tant de mauvaise foi.
    Pour info, le soja qui déforeste l’Amazonie sert à nourrir les bovins et les poulets européens !
    Les véganes (sont je fais partie) s’interrogent sur leur consommation et font attention à tout ce qu’ils mangent. Si nous sommes attentifs au bien-être animal, nous le sommes aussi à l’environnement et accessoirement aux conditions de travail ! J’ai arrêté depuis longtemps les noix de cajou et c’est mon mari (omnivore) qui consomme de l’avocat à la maison, malgré mes remarques. Les parents mangent du foie et de la quinoa, pas moi, du moins tant que ce n’est pas de la production française. Votre discours est réducteur et pour reprendre vos termes, très condescendant. Être végane dans cette société est une gageure qu’il est extrêmement difficile de tenir. Au lieu de nous tirer dessus, considérez-nous comme faisant partie du combat global pour sauver la planète, diminuer la souffrance des êtres vivants, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. Rassemblons-nous plutôt que de nous diviser !

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    1. « Rassemblons-nous plutôt que de nous diviser ! » J’adore cette idée. Oui Étienne ! C’est cela qu’il faut faire.
      Alors je propose qu’on commence par se parler gentiment ?
      Et puis ensuite, on pourrait écouter vraiment l’autre, ce qu’il a à dire, essayer de comprendre le vrai message et ne pas se focaliser sur les mots ou le ton employés, qui bien souvent reflètent des émotions difficiles à canaliser (PEURS : de mourir, d’être malade, que la planète devienne inhabitable, de faire souffrir des animaux ou des gens…), colère, sentiment d’impuissance…
      Et on pourrait accepter pour finir que beaucoup d’entre nous essaient de leur mieux, avec courage et motivation, de vivre en développant conscience et compassion. Je crois que c’est le cas de toutes les personnes qui ont écrit ici. Mais il s’avère qu’on ne commence pas forcément tous par le même bout du chemin…
      J’ai appris et fait l’expérience que la communication était un bien des plus précieux pour changer les choses. En prenant conscience que ce que l’autre dit ou fait n’est a priori pas destiné à me blesser, MOI personnellement, et que le jugement coupe la communication sans convaincre l’autre. Surtout quand il s’agit de choix si intimes, aux enjeux si forts.
      Dale Carnegie explique qu’asséner des arguments à une personne qui ne pense / n’agit pas comme nous fait de nous un double perdant : une première fois parce qu’elle ne va pas changer d’avis et risque même de renforcer ses convictions vu qu’on aura tenté de les lui ôter (Nous sommes nombreux à croire que nous sommes ce que nous pensons, surtout lorsqu’on essaie de nous faire changer d’avis) et une deuxième fois parce qu’à cause de ça, elle va nous détester…
      Je ne suis pas végan et pourtant je ne veux pas mourir dans d’atroces souffrances à cause de la maltraitance que nous infligeons à notre planète ! Je ne demande qu’à être convaincue de passer au véganisme ! Mais sans douceur, sans compréhension de ce que je vis et de pourquoi je n’y suis pas encore, le chemin sera forcément plus long et difficile…
      Nous n’avons peut-être plus le temps d’être autrement que doux et patient… (enfin, c’est ma croyance !)
      Belle journée à vous tous.

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  6. Tout à fait Étienne !
    Oui Sarah il arrive que nous soyons « agressifs », comme tout un chacun, parce que ça fait mal au cœur de lire :  » Plutôt que végan, végétalien ou bio je préfère manger LOCAL ! » : libre à vous de vous empoisonner et de participer au massacre d’innocents …
    Vous mélangez tout : On ne mange pas végane mais végétalien, ou végétarien pour certains qui ne sont pas véganes, ET bio ET local dans la mesure du possible, mais SURTOUT nous ne mangeons pas d’animaux ou de produits provenant d’animaux …
    Être végane une éthique de vie : c’est ne pas porter de fourrure (autour du col de sa veste par exemple), ne pas mettre de laine, de soie, de cuir etc ET manger végétalien c’est à dire ne pas manger de cadavres d’animaux ou de produits provenant de la souffrance animale y compris le miel.

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  7. Laure : «  »Je ne suis pas végan et pourtant je ne veux pas mourir dans d’atroces souffrances à cause de la maltraitance que nous infligeons à notre planète !
    Je ne demande qu’à être convaincue de passer au véganisme ! Mais sans douceur, sans compréhension de ce que je vis et de pourquoi je n’y suis pas encore, le chemin sera forcément plus long et difficile… »

    Laure, «  »Passer » » au véganisme n’a (vraiment) rien à voir avec la peur de la mort que nous avons pour nous même.

    C’est pour les animaux que l’on « devient » végane, parce que l’on est contre les souffrances que les humains leurs infligent qu’on devient végane et que l’on mange végétalien (y compris en France).

    Contre le fait que l’homme rase les forêts à l’autre bout du monde pour faire pousser de façon intensive du soja Ogm pour nourrir les animaux qui vous serviront de repas ici.

    Bien sur nous sommes contre le fait de raser ces forêts pour faire pousser de manière intensive les noix de l’huile de palme etc, parce que de raser ces forêts est non seulement vraiment nuisible à la Planète, mais aussi et surtout parce que toutes ces forêts sont l’habitat de centaines de races d’animaux y compris les orangs-outans …

    Mais si avoir peur de la mort parce que l’humain a détruit la planète vous permet d’avoir un comportement végane et de manger végétalien c’est tant mieux ;o)

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  8. je ne comprends pas cet article.
    Je suis végane depuis quatre ans, ce qui signifie pour moi concilier alimentation (et au-delà) et éthique. Respecter le vivant sous toutes ses formes c’est le principe de ce mode de vie, très contraignant au demeurant et qui nécessite d’avoir les nerfs solides dans une société à l’opposé de ces principes. Respecter les animaux, bien sûr, c’est ce qui vient à l’esprit quand on parle de véganisme, mais respect de l’humain aussi, et de la Terre qui nous abrite tous. Parce que tout ça va ensemble et c’est logique.
    Je ne mange donc pas de produits issus de l’esclavage et le soja que je consomme n’est pas issu de la déforestation de l’Amazonie, il est bio français ; c’est un exemple parmi d’autres.
    Je lis beaucoup d’articles qui ont une tendance fâcheuse à faire passer les véganes pour des imbéciles au discours agressif, moralisateur et au comportement contradictoire. Nous avons choisi de remettre en question tout notre mode de fonctionnement, ce qui est un vrai bouleversement et réclame conscience, sensibilité, adaptation… et un sacré moral.
    J’espère que vous saurez aller au-delà de vos préjugés et je vous souhaite de rencontrer des personnes qui ont fait ce choix, elles valent la peine qu’on les rencontre… et qu’on les encourage.
    Bien cordialement

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