Vivre sans argent

Il y a les peuples d’avant et nous, maintenant. Beaucoup de choses nous séparent et en particulier la notion d’argent. Dans nos sociétés « modernes », l’argent domine les échanges et les conditionne. C’est lui qui nous fait vivre, nous mène par le bout du nez parce que nous passons une partie de notre vie à le gagner en travaillant, puis nous le dépensons pour nous faire plaisir et devons à nouveau le gagner. Un cercle vicieux duquel il semble difficile de sortir. Certains, cependant, ont décidé de vivre sans argent. Un mode de vie aux antipodes de ce que nous connaissons et qui obéit à une philosophie un peu particulière…

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Cultiver son jardin, produire sa propre nourriture, fabriquer ses habits, recycler, voilà le programme. Devenir auto-suffisant et ne plus dépendre de personne, encore moins de la société. Des communautés se créent, rapprochant des gens qui partagent la même vision. Eotopia, en Saône et Loire, pousse très loin la réflexion. Yaszmin et Benjamin, qui sont à l’origine du projet, ont connu plusieurs échecs dans l’installation de leur communauté. Plusieurs fois déplacée, celle-ci renaît à chaque fois de ses cendres et ne change pas de cap. La tendance est assez radicale : se passer totalement d’argent, donc ne pas travailler, viser l’auto-suffisance dans la production de nourriture… et être vegan, bien entendu. Même les chats ont du mal à être acceptés, étant donné que les pauvres bêtes se nourrissent d’oiseaux et de petits rongeurs et qu’ils sont par conséquent considérés comme des carnivores assez indésirables. On se demande, du coup, s’il ne faudrait pas revoir totalement le fonctionnement de la chaîne alimentaire et interdire aux grenouilles de gober des insectes… Radical, donc. De même, en ce qui concerne l’éducation, puisqu’on incite les enfants (pour l’instant, il n’y en a qu’un, ceci reste donc une expérimentation) à apprendre par eux-mêmes, tout en s’adaptant à leurs demandes intellectuelles. Dans ce cas, réduire son impact écologique, ne plus dépendre de personne et vivre en autonomie, cela rime beaucoup avec vivre en autarcie, se couper du monde, égoïstement, n’exister que pour soi. Discutable. De plus, le couple bénéficie d’allocations familiales et du RSA, ce qui les relie malgré eux à ce monde duquel ils veulent tellement se détourner…

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Soyons clairs, la société n’aime pas ce genre de personnes qui ne produisent pas, donc ne servent pas la croissance, qui se retirent du système. On dit que ce sont des profiteurs, mais si on y réfléchit bien, on se doit de réévaluer leur situation. Certes, ils ne travaillent pas. Or, aucun salaire ne leur étant versé, ils ne coûtent rien à personne, à aucun employeur privé ou public. Les quelques allocations qu’ils reçoivent en attendant d’atteindre l’autosuffisance dont ils rêvent ne coûtent pas grand chose à la société. De plus, personne n’aura à payer leur retraite ! D’autres communautés fleurissent ça et là en Europe sur le même modèle. Leurs habitants passent pour de doux rêveurs utopistes en recherche d’un mode de vie différent et sont souvent regardés avec curiosités par des autochtones habitués à se lever tôt pour gagner leur croûte. Des originaux, comme on dit, pas méchants pour deux sous. Juste un peu à la marge. Et en galère. Parce que l’autosuffisance est très difficile à obtenir. Parce que pour louer une habitation, acheter des outils, payer l’hébergeur internet qui leur permet de mettre en ligne leur blog ou leur site et faire parler d’eux, l’argent revient inexorablement sur le devant de la scène.

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Sans aller jusqu’à se terrer dans un bois et cultiver ses racines avec des vêtements rapiécés, ce mode de vie peut nous inspirer, car beaucoup d’entre nous essaient de réduire l’impact que l’argent a sur notre existence. On peut déjà commencer par n’acheter que ce dont on a vraiment besoin. Les grands supermarché sont des pièges, en ce qu’ils provoquent en nous des envies et nous font acheter des choses auxquelles on n’aurait pas pensé avant de franchir les grandes portes automatiques. Établir des menus est un bon réflex pour qui ne veut pas se retrouver avec un frigo plein à craquer et des placards débordant d’inutile. On peut se forcer à faire le plus de choses soi-même, cuisiner, coudre. A en croire le nombre croissant de blogs dédiés à ces deux thèmes, on peut en déduire que beaucoup de gens s’intéressent au sujet. On peut enfin réparer au lieu de jeter, réutiliser, réemployer, recycler. Pour cela, il suffit souvent d’avoir un peu d’imagination et d’oser. Souvenons-nous de nos bricolages enfantins, quand nous découpions des bouts de papier ou de carton et fabriquions une mini maison ou des habits avec presque rien. Redécouvrir la naïveté et faire confiance en notre créativité qui ne demande qu’à être dépoussiérée…

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Enfin, un autre aspect se dégage de cette réflexion :  le temps. Celui que nous passons au travail et celui que nous prenons pour nous. On s’en aperçoit quand on cesse toute activité pendant une longue période, de manière forcée ou volontaire. Le résultat est le même : le travail nous fait passer à côté de beaucoup de choses. Lorsqu’on ne s’y rend pas, on a tout le loisir pour cuisiner, lire, se cultiver, écrire, apprendre, étudier la nature, s’occuper du jardin, observer les oiseaux, réfléchir, créer… La liste pourrait s’étendre sur plusieurs pages. C’est là que veulent en venir les habitants des éco-villages en refusant de s’aliéner dans un emploi salarié. Ils aspirent à redécouvrir le rythme de la nature et à accorder le leur avec la marche naturelle de la planète. Ils refusent de se presser, de courir, d’être bousculés et de plonger leurs enfants dans une société souvent agressive et restrictive. Un certain nombre de salariés réduisent volontairement leur temps de travail, quitte à gagner moins, pour profiter plus de l’existence et assouvir leurs passions. Comme on le voit, les deux sont étroitement liés. Il faut avoir la « chance » de ne pas se lever le matin avec un impératif pour entamer cette réflexion là : de combien, de quoi ai-je vraiment besoin ? qu’est-ce qui m’anime et en quoi je crois ? Bien évidemment, être sans emploi ne signifie pas accéder au bonheur suprême. C’est souvent un échec, un toboggan vers la pauvreté et la marginalisation. En fait, Benjamin et Yazmin nous exaspèrent tout autant qu’ils nous questionnent. Et le sujet de l’argent n’a pas fini de faire parler de lui. Serais-je capable de donner un peu de farine à ma voisine qui n’en a plus ? Serais-je capable d’aller lui demander du beurre s’il m’en manque ? Notre société n’a-t-elle pas définitivement éradiqué ce genre de relations pourtant tellement humaines ? La réponse a de quoi effrayer…

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Une réflexion sur “Vivre sans argent

  1. Oui, tu as raison, c’est inspirant ! Les grandes surfaces sont des pièges dont on doit faire attention. Je vois de plus en plus de fermes collaboratives dans le jura où plusieurs familles vivent ensembles (avec leurs espaces perso) et mettent en commun leur savoir (faire). Ils sont plutôt indépendants et presque auto-suffisants ! Ca donne matière à réfléchir sur notre manière de consommer… Je profite de mes WE pour aller faire de la permaculture dans le jurdin de mon père, pratique 😉

    A bientôt,
    Line
    https://la-parenthese-psy.com/

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